2007/11/23

DEBAT

Il ne vous aura pas échappé que la question des tours à Paris est relancée. Hier Delanoe a présenté aux élus parisiens et des communes limitrophes le résultat de l'étude pour la construction de tours à Paris qu'il avait confié à 11 cabinets d'architectes. Le débat est chaud, les réactions nombreuses.

© Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez

© Philippe Barthelemy-Sylvia Grino

© Eric Lapierre

A la question "faut-il construire des tours à Paris?", Sarkozy a répondu "Il faut sortir du débat absurde sur la hauteur des tours. Si elles sont laides, il n'en faut pas. Si elles sont belles, il en faut»"

Il y a quelques années, un type comme Starck avait tenté, à juste titre, de déplacer la question du beau et du laid comme justification simpliste d'existence et de qualité des objets, préférant mettre en avant les notions de juste et de bon.

Et voilà que notre président nous invite à un retour en arrière, avec des arguments à la hauteur de ceux des verts sur la question. J'en veux pour preuve la réaction hier, sur le même sujet, d'Yves Contassot, adjoint Vert au maire de Paris, chargé de l’environnement, :
« Ce que je viens de voir me paraît très franchement d’une grande prétention et d’une assez grande laideur."
Voilà au moins un sujet sur lequel ces deux là sont d'accords.

Mais de quoi parle-t-on au juste?
L’idée d’étirer les immeubles vers le haut pour gagner de la surface constructible n’est pas nouvelle et peut paraître évidente. Mais dans la pratique, les exemples montrent qu’un grand nombre d’étages ne rime pas forcément avec une densité de population plus élevée. Une publication de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la Région Ile-de-France en 2005 montre ainsi que les immeubles haussmanniens à 6 étages du centre de Paris abritent plus d’habitants à l’hectare (450 hab./ha) que les grandes tours de 15 étages de la Courneuve par exemple (350 hab./ha). Les projets de hauteur de Bertrand Delanoë permettent plus de logements que les projets étudiés en respectant le plafond de 37 m, mais restent en deçà des densités de population atteintes par le haussmannien.

Bien évidemment il ne s'agit pas d'entasser le plus de gens possible dans un espace réduit au minimum. Au contraire. Car comme l'écrit Paul Virilio "l'espace est nécessaire, alors que continuer dans la densité risque de tout faire sauter". Selon lui, la déconcentration est l'un des grands défis du XXIème siècle: "on ne pourra pas sauver la démocratie si on n'est pas capable de détendre la population."

L'objectif de la construction de tours à paris est donc ailleurs car si l'on veut pouvoir détendre la population, il faut se donner les moyens de détendre la ville.
Or, l’élévation permet dans tous les cas d’augmenter la surface des espaces verts, et de faire ainsi respirer la ville. De nombreuses études environnementales commencent à plaider pour des cités plus denses, plus resserrées. L’idée est de lutter contre l’étalement permanent des villes aux dépens des campagnes, qui se traduit par de forts impacts écologiques. En cette époque de réchauffement climatique et de lutte contre les émissions de gaz à effets de serre, il devient crucial de limiter au maximum la distance des déplacements quotidiens entre logements et lieux de travail. L’« idéal » étant une ville densément peuplée, où les habitants peuvent aller rapidement travailler, soit en transports en commun, soit à pied ou à vélo. Avec un baril de pétrole à presque 100$, le déplacement en voiture entre un pavillon de banlieue lointaine et un centre-ville deviendra de toute façon très vite un luxe.

En aout 2006, Christine Conrad, Présidente de l’Ordre des architectes d’Ile de France, écrivait ceci:
"Nous reproduisons à l’horizontale, les caractéristiques des banlieues : cités-dortoirs, espaces sans âme, répétitivité, uniformité, banalité architecturale, absence d’espaces publics et de rencontre, etc.
Méfions nous qu’après la crise des banlieues, nous ne devions faire face à la crise du pavillon. "


On comprend alors que l'enjeu sous-tendu par la possibilité de construire des tours à Paris dépasse largement la question du beau ou du laid parce qu'elle touche aux questions d'aménagement de territoire, de politique énergétique, et de qualité de vie des habitants du Grand Paris.

Dommage donc que les seules images de cette étude pour l'instant communiquées à la presse et donc au grand public ne donnent à voir que des "objets" d'architecture. C'est donner le bâton pour se faire battre car en ne montrant que les architectures qui résultent d'une réflexion bien plus complexe, il est difficile de passer à côté d'un jugement purement esthétique de la question posée. En ce sens, on peut penser que Sarkozy a fait la réponse qu'on attendait de lui.

Et pendant ce temps-là, Jean nouvel construit une nouvelle tour à ... New York. Belle ou moche, bonne ou pas, je vous laisse juge...

© Architectures Jean Nouvel

© Architectures Jean Nouvel

© Architectures Jean Nouvel

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